COVID-19 et (sur)vie des entreprises

Suite aux décisions prises dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19 en Belgique, les entreprises sont confrontées à des difficultés importantes dans le cadre de la poursuite de leurs activités.

Certaines mesures ont été adoptées afin de limiter l’impact, sur les entreprises, des restrictions imposées afin d’endiguer la propagation du virus. A cet égard, tant au fédéral qu’au niveau des régions et communautés, les gouvernements se sont vu octroyer des pouvoirs spéciaux afin de prendre toutes les mesures utiles pour prévenir et traiter d’urgence toute situation problématique dans le cadre de la crise et de ses conséquences. Ces pouvoirs englobent notamment la possibilité d’adapter les textes légaux relatifs aux domaines impactés par la crise et relevant de leurs compétences.

La présente contribution fournit un aperçu non-exhaustif des principales

  1. Aides financières mises en place en faveur des entreprises afin de surmonter leurs difficultés financières temporaires
  2. Dispositions particulières ayant été adoptées en vue de permettre la tenue des assemblées générales et des réunions des organes d’administration eu égard aux règles actuelles de distanciation sociale
  3. Nouvelles possibilités de suspension concernant les saisies et la faillite
  4. Modifications concernant la passation d’actes notariés
  5. Nouvelles règles concernant les délais applicables dans le cadre de l’introduction d’actions en justice et des procédures civiles en cours.

En raison de l’évolutivité de la situation, les pouvoirs exécutif et législatif procèdent à l’adaptation et l’extension de ces mesures de manière continue, de telle sorte que la présente analyse traite des mesures en place au jour de sa rédaction et devra nécessairement faire l’objet de mises à jour en fonction de l’actualité législative et réglementaire.

Aides financières

Prime de fermeture – Les gouvernements de la Région de Bruxelles-Capitale, de la Région wallonne et de la Région flamande ont prévu l’octroi de primes pour les entreprises ayant été contraintes de fermer leurs portes suite aux mesures prises dans le cadre de la crise du Covid-19. Les conditions d’octroi, les délais d’introduction des demandes et les montants des primes ont été fixés par chacune des trois régions.

Report de paiement des crédits – Un report de paiement du crédit aux entreprises peut être demandé pour un maximum de six mois.

Durant cette période, l’entreprise n’est pas obligée de rembourser son crédit en capital, les intérêts restant exigibles. La durée du crédit sera donc prolongée de la période du report du paiement.

Cette possibilité vise (i) les crédits avec un plan de remboursement fixe (ii) les crédits de caisse et (iii) les avances fixes. Elle est conditionnée, notamment, à l’existence de difficultés de paiement du fait d’une baisse du chiffre d’affaires ou de l’activité, d’un recours au chômage temporaire ou complet ou de l’obligation des autorités de fermer l’entreprise afin d’endiguer la propagation du virus. L’entreprise souhaitant bénéficier du report doit être basée en Belgique et ne pas avoir de retard de paiement pour ses crédits en cours, pour ses impôts ou pour ses cotisations de sécurité sociale.

En pratique, toute personne qui souhaite demander un report de paiement doit contacter sa banque, qui demandera des preuves documentaires afin d’y donner suite. Les banques ne factureront ni frais de dossier, ni frais administratifs pour le recours à un report de paiement. 

Garantie d’état dans le cadre d’octroi de nouveaux crédits – Une nouvelle loi habilite le Roi à octroyer une garantie d’état pour de nouveaux crédits et lignes de crédits d’une durée maximale d’un an aux entreprises non financières viables, aux PME, aux travailleurs indépendants et aux organisations à but non lucratif. L’arrêté royal déterminant les conditions et modalités de l’octroi de cette garantie est attendu prochainement. Des mesures similaires sont anticipées au niveau des régions.

TVA, précompte professionnel, impôts, précompte immobilier – D’autres mesures de soutien financier aux entreprises ont été prévues par le gouvernement, telles que la possibilité de :

  • Reporter le paiement du précompte professionnel, de la TVA, de l’impôt des sociétés, des cotisations patronales de sécurité social, du précompte immobilier pour l’exercice d’imposition 2020 ;
  • Reporter la déclaration d’impôt sur les sociétés, de la TVA et de la liste annuelle des clients ;
  • Exonération des intérêts ou remise d’amendes pour le non-paiement de dettes de cotisations de sécurité sociale, d’impôt sur les revenus, d’impôt sur les sociétés, de la TVA, etc.

Chômage temporaire – Certaines mesures spécifiques en matière de droit social, telles que la mise en place de mesures spécifiques en matière de chômage temporaire ont été adoptées par ailleurs. Au vu de leur ampleur et de leur technicité, nous renvoyons à d’autres contributions sur ce point.

Assemblées générales et organes d’administration

Des mesures optionnelles et temporaires ont été adoptées en ce qui concerne les réunions et assemblées qui doivent ou auraient dû se tenir ou simplement être convoquées entre le 1er mars 2020 et le 3 mai 2020.

Les convocations déjà envoyées peuvent être modifiées pour bénéficier des mesures nouvelles. Par ailleurs, les réunions et assemblées convoquées avant le 3 mai 2020 peuvent être tenues conformément aux nouvelles règles même si elles ont lieu après cette date.

Assemblées générales – Deux options sont mises en place :

  • Tenir l’assemblée selon des modalités particulières liées à la pandémie de Covid-19 

L’organe d’administration peut imposer aux participants à toute assemblée générale d’exercer exclusivement leurs droit soit en votant à distance avant l’assemblée par correspondance (au moyen d’un formulaire mis à disposition ou publié sur un site internet), soit en donnant une procuration avant l’assemblée, le cas échéant à un mandataire unique désigné par l’organe d’administration.

Cette mesure a pour objectif de limiter la présence physique de participants à l’assemblée générale, laquelle se tiendra ainsi en comité réduit (avec les membres de l’organe d’administration et, le cas échéant, les membres du bureau de l’assemblée, le commissaire et l’éventuel mandataire unique) et pourra, si elle ne doit pas être constatée par acte authentique, se tenir à distance (par exemple, par conférence téléphonique ou vidéo).

Par ailleurs, il est possible de tenir une assemblée générale à distance par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, tel que visé par l’article 7:137 du CSA, et ce, même sans autorisation statutaire.

  • Reporter l’assemblée générale jusqu’à un retour à la normale

L’organe d’administration peut choisir de reporter l’assemblée générale ordinaire à une date ultérieure (à laquelle la situation sera redevenue normale), même si elle a déjà été convoquée. A cet effet, il est prévu un report de dix semaines pour un certain nombre de décisions à prendre dans des délais légaux, telles que l’obligation de soumettre à l’assemblée les comptes annuels dans un délai de six mois suivant la clôture de l’exercice ou l’obligation de déposer les comptes annuels et d’autres documents auprès de la BNB dans les sept mois qui suivent la clôture de l’exercice.

L’organe d’administration peut également reporter toute assemblée générale spéciale ou extraordinaire déjà convoquée, sauf en cas (i) d’application de la procédure de sonnette d’alarme si l’actif net est négatif ou menace de le devenir ou (ii) de convocation à la demande du commissaire ou d’actionnaires conformément au nouveau code des sociétés et des associations.

Organe administration – L’organe d’administration collégial peut, nonobstant les dispositions statutaires applicables :

  • prendre toute décision à l’unanimité par écrit ou
  • tenir ses réunions et délibérer grâce à des moyens de télécommunication tels que les conférences téléphoniques ou vidéo, sauf pour les décisions qui doivent être constatées par acte authentique (auquel cas la présence physique d’un mandataire, membre ou non de l’organe d’administration, est requise).

Saisie et faillite – mise sur pause

Le gouvernement a approuvé des mesures de suspension concernant les entreprises en difficultés à la suite du Covid-19 qui étaient en bonne santé jusqu’au 18 mars, les protégeant ainsi en tant que débiteur contre la saisie et la faillite. Les entreprises couvertes par la nouvelle législation sur l’insolvabilité bénéficient automatiquement et temporairement d’une suspension légale.

Cela signifie que :

  • L’entreprise est protégée contre les saisies ;
  • L’entreprise ne peut pas être déclarée en faillite à la demande de ses créanciers (mais bien à la demande du ministère public ou avec l’accord du débiteur lui-même) ;
  • Les contrats en cours ne peuvent pas être résiliés pour cause de défaut de paiement ;
  • Le débiteur n’est temporairement pas obligé de faire aveu de faillite ;
  • Les délais prévus dans un plan de réorganisation judiciaire sont prolongés ;
  • Le juge de l’entreprise décide si un débiteur peut bénéficier de cette suspension si ce dernier l’invoque à titre de défense.

Cela ne veut pas dire que les entreprises reçoivent un blanc sein pour abuser de la situation : le président du tribunal de l’entreprise compétent peut à tout moment, à la demande d’un créancier, lever la suspension temporaire.

Le régime n’est pas destiné aux entreprises qui, avant cette crise, étaient déjà en état de faillite, mais uniquement aux entreprises qui étaient encore en bonne santé au 18 mars, mais qui pourraient rencontrer des difficultés en raison de la crise du coronavirus.

Actes notariés

La passation d’actes notariés est postposée jusqu’à la fin des mesures prises par le gouvernement fédéral pour lutter contre la propagation du coronavirus, sauf pour les actes urgents.

En ce qui concerne les entreprises, sont considérées comme urgentes, sans que les entreprises ne doivent motiver ce « caractère urgent », les opérations qui ont des conséquences économiques immédiates pour les entreprises, telles que (i) les opérations ayant un impact sur le patrimoine social de l’entreprise (augmentation de capital, réduction de capital, apport et remboursement des apports, fusions, scissions et transformations, …) ; (ii) les actes devant être passés dans un délai précis venant à échéance, (ex. approbation des comptes annuels) ou les actes qui doivent être faits avant la clôture de l’exercice social ; (iii ) les opérations dont les documents ont déjà été établis avec un délai de validité limité (ex. convocations aux assemblées générales ,…).

En plus des cas précités, un dossier peut être aussi considéré comme urgent en fonction des circonstances concrètes du cas d’espèce.

Une proposition de loi a été déposée en vue, entre autres, de permettre de signer une procuration notariée authentique (requise, par exemple, dans le cadre de certaines transactions immobilières) à distance par vidéoconférence ou de signer des procuration (non-authentique) pour la passation d’actes notariés électroniquement, pour autant que dans chacun de ces cas certaines conditions soient remplies, en ce compris les règles existantes (contraignantes) pour la validité des signatures électroniques.

Actions en justice

Prolongation des délais – Les délais de prescription et les autres délais pour introduire une demande en justice auprès d’une juridiction civile qui expirent à partir du 9 avril 2020 jusqu’au 3 mai 2020 inclus sont prolongés de plein droit d’une durée d’un mois après l’issue de cette période.

Il en est de même pour les délais de procédure, les délais pour exercer une voie de recours ainsi que la communication et le dépôt de conclusions.

L’échéance des éventuels délais subséquents est adaptée de plein droit conformément à la durée de cette prolongation.  Concrètement, le premier délai est prolongé jusqu’au 3 juin 2020 et les délais suivants sont reportés d’autant de jours.

Toutefois, les parties peuvent, de commun accord, décider de conserver le calendrier initial ou de s’accorder sur des nouvelles échéances et de convenir à l’amiable d’un nouveau calendrier contraignant.

Si la poursuite d’une procédure est urgente, le Tribunal peut, sur demande motivée, exclure la prolongation des délais de procédure.

Procédure écrite – Toutes les affaires qui sont fixées pour être entendues à une audience qui a lieu à partir du 11 avril 2020 jusqu’au 3 juin 2020 inclus, et dans lesquelles toutes les parties ont déposé des conclusions, sont automatiquement prises en délibéré sur la base des conclusions et pièces communiquées, sans plaidoiries.

La procédure écrite devient donc la règle durant cette période dérogatoire.

Une partie peut s’opposer à cette procédure écrite en informant le juge par écrit et de façon motivée au plus tard une semaine avant l’audience fixée. Le juge peut alors décider de tenir une audience, éventuellement par voie de vidéoconférence, remettre l’affaire à une date indéterminée ou à une date déterminée, ou prendre l’affaire en délibéré sans plaidoiries.  Sa décision n’est pas susceptible de recours. Le juge peut par ailleurs inviter les parties à fournir des explications orales, éventuellement par voie de vidéoconférence, sur certains points.

Si toutes les parties s’opposent à la procédure écrite, l’affaire est remise à une date indéterminée ou à une date déterminée selon les disponibilités de la juridiction concernée.

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